La traversée des Balkans de l’intérieur (première partie)
Le voyage a été si intense ces derniers jours que je n’ai eu que rarement l’occasion de me poser et d’écrire. Ce n’est que plus de 10 jours plus tard que je m’octroie un moment. La météo a été plutôt bonne, les jambes ont suivi. Je n’avais pas de raison de m’arrêter en si bon chemin. Et les journées sont chargées entre les coups de pédale, l’intendance, la planification des étapes suivantes, la recherche de logements, etc.
J’ai updaté ce post de temps en temps quand j’avais un peu de temps libre, notamment à Belgrade et à Bucarest (vous en saurez plus bientôt promis!). Je le poste depuis les rives de la Mer Noire, à Varna, où je suis arrivé hier soir. J’essaierai de mettre à jour le reste du parcours dans les prochains jours.
J’aimerais remercier au passage toutes celles et ceux qui ont contribué à la collecte de fonds que j’ai décidé de mettre en place en faveur de l’éducation des enfants victimes des tremblements de terre en Turquie. Plus de 1000 euros ont été collectés ! Il ne reste désormais que quelques jours si vous souhaitez vous aussi contribuer à cette cause ! N’hésitez pas à me contacter si vous voulez les infos. Il n’y a pas de petit don. Chaque euro compte !
L’avantage d’updater le blog avec un peu de retard, c’est que ca me permet de livrer un témoignage presque complet de ma traversée d’une bonne partie des Balkans (Croatie et Serbie) avec une incursion d’une journée en Hongrie.
Depuis la dernière fois, je me suis accordé une journée sans rien faire d’autre que de papoter avec les gens de passage dans l’auberge à Zagreb et, sur le tard, après avoir laissé couler une grande partie de la journée, d’aller faire resserrer mes freins dans un atelier proche de l’hostel. Cela n’avait plus été fait depuis Tirano et les descentes des cols italiens avaient dû bien les solliciter car je n’arrivais plus qu’à ralentir mais plus vraiment à m’arrêter dans les descentes, ce qui commençait à devenir franchement dangereux. Une bonne chose de faite ! La nuit précédente fut chaotique dans le dortoir avec un type qui sortait du lit en-dessous du mien toutes les heures pour aller fumer dans les toilettes et qui jugeait bon de laisser les notifications actives de son téléphone toute la nuit sans parler d’une alarme à deux heures du matin qui sonnait dans le vide. Les hostels sont des lieux où on rencontre de tout. Pour le meilleur et pour le pire. L’énergumène restant une nuit de plus, j’ai demandé à changer de chambre. J’avais vraiment besoin de sommeil. Par ailleurs, la pluie battante qui n’a cessé de tomber toute la journée n’incitait pas vraiment à mettre le nez dehors. J’ai pu un peu planifier les étapes suivantes. Le voyage à vélo au long cours a ceci de particulier que toutes les directions sont possibles chaque jour. Ca ouvre le champ des possibilités. J’aime cependant avoir une idée au moins approximative du chemin que je vais suivre sur les 3/4 jours suivants. Cela permet de contacter les hôtes éventuels et de réfléchir aux découpages de possibles étapes (kilométrage, dénivelé, visites éventuelles). Et puis j’ai pu aussi mettre à jour le blog (post précédent).
Le jour suivant commença avec un grand soleil radieux. Après avoir identifié rapidement les principaux points d’intérêts de la ville, j’ai pris un tram vers le centre de Zagreb que je n’avais aperçu que furtivement lors de mon arrivée deux jours auparavant. Gros coup de coeur pour ces vieux trams bleus hérités de la période yougoslave mais qui sont d’après ce qu’on m’a dit progressivement remplacés par des rames neuves. Beaucoup d’églises et de monuments sont en travaux, dont la cathédrale dans le quartier haut de Koptol, sertie de grands échafaudages et qui ne se visite pas pour le moment. Je prolonge ma visite dans le coeur de la ville, en passant par des rues anciennes jusqu’au marché Dolac et à la grande place principale où comme souvent dans les Balkans on retrouve une statue d’un héros national montant son cheval. Je poursuis en suivant des grandes avenues style austro-hongrois dont les bâtiments ont subi l’usure du temps. Ce qui donne un certain charme à ville. Je remonte sur les hauteurs pour saisir la ville d’en-haut. Le funiculaire qui permet d’épargner ses jambes sur quelques dizaines de mètres ne fonctionne pas. Je continue un peu plus haut vers l’église Saint-Marc, elle aussi en travaux et dont tout le pourtour est bouclé, mais dont je peux quand même contempler la toiture dont les tuiles colorées rappellent un peu le style des Hospices de Beaune. Descente un peu plus loin vers le quartier de la gare où jadis faisaient halte les passagers de l’Orient express. Je reprends un joli tram bleu pour retourner dans le quartier de mon hostel pour aller flâner au parc Maksimir, autre haut lieu de la ville. Situé près du stade du même nom dans lequel évolue l’équipe du Dinamo Zagreb et l’équipe nationale croate et dont l’ambiance est paraît-il incroyable, ce parc est vraiment un immense poumon vert dans lequel on peut se perdre des heures. Il comprend plusieurs grands étangs étagés sur plusieurs niveaux. Je visite le zoo. Sentiment un peu triste de voir des animaux sauvages dans de vraiment petits enclos. Le ciel s’obscurcit un peu. La météo est hésitante entre une fine pluie et le soleil. La journée se termine par un merveilleux (double) arc-en-ciel que j’admire depuis la cuisine commune de l’hostel.
Le lendemain, je quitte la ville sous une météo favorable. C’est fou comme la ville s’efface rapidement. J’ai fait le choix la veille de m’orienter vers le Nord. Plutôt que vers le Sud-Est, comme la pure logique l’aurait voulu. C’est ce dernier choix qu’a fait la veille mon copain de route croisé à la frontière italo-slovène. Au Nord se trouve une petite ville pittoresque, ancienne capitale de la Croatie avant Zagreb, Varazdin. Sur la carte, il semble y avoir aussi de grandes étendues d’eau qui retiennent mon attention. Deux vastes lacs de retenue. Il y aussi l’Euro vélo 13 qui passe par là en suivant la Drava d’abord et le Danube ensuite. Et puis j’ai répéré des hôtes Warmshowers sympas sur le passage. Dans l’optique de ce voyage, rencontrer de belles personnes locales sur mon chemin est un facteur qui entre dans l’équation.
La première étape depuis Zagreb (vers Varazdin donc) me rappelle un peu les vallées des Vosges. Les villages se concentrent de part et d’autre de la rivière sur des versants verdoyants. La route monte doucement jusqu’au premier village où je ne peux continuer à pédaler. Komoot m’indique des pourcentages à plus de 18 %. Au total sur plus de 4 km. Ca tire très fort dans les jambes et dans les bras. Je dois m’arrêter quasiment tous les dix mètres pour reprendre mon souffle et ne pas laisser le vélo lesté de mes bagages redescendre la pente derrière moi. J’arrive enfin au col. Pas vraiment de vue. Quelques mètres plus bas, j’avais pu voir Zagreb qui paraissait déjà si lointaine après seulement 20km dans cette ambiance bucolique. La descente se fera à travers la forêt dans une boue épaisse et dans les cailloux. Pour une fois je ne serai pas mécontent de rejoindre la grande route en contre-bas, qui m’emmènera elle-aussi sur les hauteurs. Je débarque sans trop l’avoir su dans la ville pèlerinage de Marija Bistrica. Avec un grand oeuf peint en face de l’église. C’est là que je pique-niquerai. Je continue à pédaler sur les hauteurs avant d’atterrir à Novi Marof où je serai hébergé chez Dario. Je suis vraiment fatigué le soir après une journée au kilométrage limité. Est-ce la reprise après une journée de pause ? Les côtes matinales qui m’ont cassé les jambes ? Je ne sais pas. Peut-être manque-je de magnésium? Demain ce sera double ratio de chocolat !
Dario m’accueille dans le bâtiment de l’association qu’il gère et qui s’occupe notamment de familiariser des jeunes avec l’Europe, au travers entre autres de l’organisation de voyages. Le soir, on va faire les courses ensemble et on regarde Arsenal - Manchester City sur sa suggestion en savourant une bière locale produite par des amies à lui. Lui supporte Arsenal ; moi plutôt City (pour Kevin De Bruyne, qui sortira une prestation 3 étoiles ce soir-là). On papote sur l’Europe. Sur la politique. Sur la façon dont les hommes parviennent, élus ou monarque parviennent à se maintenir au pouvoir aussi. Et bien sûr sur les voyages à vélo, les itinéraires cyclables et points d’intérêt de la région. Je ne sais pas comment il en vient à me montrer le clip du candidat croate à l’Eurovision, qui visiblement tourne Poutine en dérision. Ah oui je me rappelle. Il m’a dit qu’il organisait des festivals de rock au bas de l’immeuble et que ce candidat y avait joué une année.
Le lendemain, je commence par une grosse côte et puis une grosse descente jusque la ville historique de Varazdin qui fut donc jadis capitale de la Croatie. Petit crochet pour visiter le cimetière. Oui oui. Dario m’avait dit que celui-ci a une année été élu plus beau cimetière du monde. J’avoue que j’ignorais tout des concours de beauté des cimetières. Par contre, oui, cela valait le détour. Allées bien tracées entre des hauts buis taillés de façon inégale qui séparent les tombes et caveaux. Difficile à décrire. Je vous laisse juger, photos à l’appui. Le style des pierres tombales est aussi soigné. Après cette visite funéraire, je repique vers le centre-ville, dont je découvre d’abord le chateau médiéval. Avant d’emprunter la porte qui donne sur la ville. Très chouette atmosphère dans cette ville, de taille vraiment modeste pour une ancienne capitale. Je retombe d’ailleurs sur Dario au moment de faire mes emplettes.
Je mets les voiles vers les grands lacs de rétention à la sortie de la ville. Pas trop trainer aujourd’hui est une longue journée, plus de 110km avant d’arriver chez Niko mon hôte Warmshower du soir.
Beaucoup de petits chalets en bordure de lac, encore vides à cette saison, des pêcheurs, une marina. De longs kilomètres sur la digue bétonnée, sans croiser personne. Je réveille un castor ou un ragondin qui finit par me suivre sur de longs mètres en nageant en parallèle de la digue.
A un moment donné, je descend de la digue pour rejoindre la route en contrebas. Les petits villages se succèdent, les routes deviennent de moins en moins fréquentées. Beaucoup de séchoirs à maïs, anciens et plus récents.
J’arrive chez Niko, dans le petit village Kalinovac, juste avant la tombée de la nuit. Il me présente les lieux et me propose d’aller manger les meilleurs burgers du coin au village de Durdevac, qui m’avait l’air intéressant depuis ma route (j’avais répéré un château) mais que j’avais dû zapper en raison de l’heure tardive. Super! Cela me donnera l’occasion de découvrir!
On agrémente ça d’une petite bière. Je ne suis plus trop habitué mais les gens peuvent fumer dans les restaurants. Ca fait une sensation bizarre. Ca donne envie d’avaler la nourriture vite fait avant qu’elle s’imprègne de toute la fumée ambiante.
On fait une petite pause au chateau éclairé avant de reprendre la voiture jusque chez lui.
Le lendemain, intéressants échanges au petit déjeuner avec mon hôtes, qui est professeur d’histoire, sur ce qu’était la Yougoslavie, sur les relations entre les Croates et les Hongrois, sur le massacre de Vukovar où je dormirai dans quelques jours, sur la Serbie et sur les bombardements de 1999 qui ont engendré un ressentiment (le mot est faible) à l’égard de l’OTAN (J’en parlerai dans mon post suivant). Sur les endroits où étaient présents les Serbes en Croatie avant que le conflit n’éclate. Sur la république serbe autoproclamé de Krajina en Croatie. Sur le fait aussi de tourner la page. De ne pas cultiver la rancune éternelle pour le passé, aussi atroce fût-il. Niko ne quitte pas son grand atlas écrit en serbe et dans lequel le Kosovo fait toujours partie de la Serbie. J’apprends énormément. J’étais petit quand tout cela s’est passé. Je me rappelle qu’on avait accueilli un réfugié croate dans ma classe de sixième primaire, Davor, qu’il était très souriant et qu’il jouait très bien au foot. Je me rappelle aussi la période de Rambouillet, de Milosevic et des bombardements de l’OTAN de 1999. Sur un ton plus léger, on regarde l’itinéraire ensemble, qu’il approuve avec enthousiasme et il me conseille aussi de prendre un pont suspendu pour rejoindre une île entre deux méandres de la Drava et d’un de ses affluents à la frontière hongroise.
J’entame la journée tambour battant. Je sais qu’elle sera longue, une nouvelle fois : 144km. Niko m’a chauffé en me parlant de ses voyages à vélo (un Kalinovac-Berlin et un voyage jusqu’au Royaume-Uni en passant par la Belgique où il avait claqué jusqu’à 170km un jour, certes sans le même poids sur le vélo (il dormait en dur) mais tout de même!). La journée commence en Croatie, continuera pour la majeure partie du temps en Hongrie, après la traversée de la Drava et se terminera en Croatie, après une nouvelle traversée de la Drava quelques dizaines de km plus loin.
Arrivé au pont suspendu, je me demande si c’est vraiment safe de le prendre avec le vélo. En le poussant mais quand même. Bon, je me dis qu’on est en Europe, et que j’ai dû prendre des ponts bien pire en Inde dans le Ladakh par exemple. Ca va tenir. Bon le tablier n’est pas nickel et les cables de suspension ont l’air d’être bien rouillés quand même. Les méandres avaient l’air plus intéressants sur la carte. A l’horizontale, on ne se rend pas bien compte de ces ondulations de serpent. Même une tour au milieu de l’île ne donnera pas la vue sur tous ces méandres. Soit, c’est sympa d’être sur cette île presque sans voiture (le bac à côté du pont ne transporte que quelques voitures à des intervalles que j’ignore mais ca limite le traffic). Et puis je tombe sur un restaurant où je peux manger du poisson frais. Sandre, carpe et poisson-chat. Parfait! Encore quelques kilomètres en Croatie avant la frontière hongroise.
La piste cyclable en Hongrie commence par traverser la forêt le long de la Drava. Elle m’emmène dans plusieurs petits villages, tous orientés le long de la route principale, beaucoup de drapeaux hongrois sur la voie centrale. Beaucoup de cigognes. Le compteur affiche encore un bon 50 km à faire en toute fin d’après-midi. Une pluie fine s’installe. Surprise. La piste le long de la rivière (longue de 40km) est faite de sable, terre battue, parfois d’herbe. Ca secoue. Je pensais pouvoir avaler ces kilomètres bien plus rapidement. Plutôt à 23k/h qu’à 17. Je chute pour la première fois (spoiler : la seule jusqu’à aujourd’hui) gentiment (sur le côté) dans une mare de boue que je pensais que mes roues passeraient sans encombre et je me prépare mentalement à devoir finir dans le noir. J’identifie sur la carte le moment où mon chemin rejoindra une route plus praticable. Les kilomètres ne passent pas. Une petite maison çà et là à chaque jonction de la digue avec la rivière. À chaque fois quelques mètres de tarmac qui me font penser que j’en ai fini avec la sable, la terre, la boue et l’herbe mais non. Je me fixe mentalement des objectifs de 5 km en m’octroyant une récompense sucrée de temps en temps. Je rejoins enfin un gravel plus praticable et une autre digue recouverte de macadam. La pénombre s’installe.
À un moment donné, à une dizaine de mètres devant moi, trois chevreuils traversent la digue de gauche à droite lancés à toute vitesse. Magique. Je me dis que cette récompense n’arrive que lors des longues étapes qui se finissent au-delà d’une certaine heure. Le phénomène se reproduira plusieurs fois et je parviendrai à le capturer en images. J’arrive au poste frontière hongroise dont les lumières reflètent sur la route dans l’obscurité avant d’enjamber la Drava et de traverser le poste frontière croate. Long sprint le long de ce qui a l’air de ressembler à de jolis étangs bordés de roseaux avant d’arriver à la petite ville de Donji Milhovac où je fais des provisions avant de rejoindre ma chambre chez l’habitant.
Depuis quelques jours, je passe de plus en plus de temps à rechercher des informations sur l’histoire de les régions que je traverse. Je ne peux pas m’empêcher. Je lis jusqu’au petites heures, ce qui n’est pas forcément recommandé quand il faut avancer le lendemain. Aujourd’hui mon trajet me fera passer par Osijek et Vukovar. La première, toujours située au bord de la Drava, n’aura pas été conquise par les Serbes comme je l’apprend notamment par cette Fiat rouge barrant le chemin aux chars de l’armée yougoslave (à cette époque majoritairement serbe), la seconde aura d’abord subi un siège de plusieurs mois au cours de l’été et de l’automne 1991 avant de céder en novembre de la même année. Véritable martyre de la guerre en Croatie, la ville en sortira presque totalement détruite. A quelques exceptions près. Dont l’imposant chateau d’eau, dont on se prend immédiatement de sympathie, quand on sait qu’il a résisté à des déluges de bombes , et au sommet duquel des résistants croates montaient chaque jour pour hisser le drapeau croate au péril de leur vie.
A Osijek (l’arrivée me fait penser à Strasbourg, la façon dont la cathédrale apparaît), je pique-nique au bord de la Drava après une incursion près de la cathédrale et avant de rebifurquer plus loin dans le centre pour monter les marches des remparts.
En fin d’après-midi, je scrutais le chateau d’eau à l’horizon et je pense l’avoir aperçu à une vingtaine de kilomètre de là. Avant cela, entre Osijek et Vukovar, j’aperçois de nombreux impacts de balles sur certains bâtiments. Sur certaines maisons, on voit que les trous ont été rebouchés ; sur d’autres, les impacts sont encore bien visibles. Peut-être s’agit d’un choix délibéré : tenter de panser les plaies et tourner la page ou garder les cicatrices du passé bien visibles pour ne jamais oublier ?
À l’entrée de Vukovar, après avoir repéré le bâtiment de la gare, lui aussi laissé dans son état d’après siège, je me perds près de voie ferrée et je me surprends à porter le vélo au-dessus de ce qui semble bien être une voie de chemin de fer encore en usage.
Je finis par trouver l’immeuble dans lequel je dormirai. Le nom « Danube » est prometteur et la vue de là-haut sur cette immense cours d’eau, dont je suivrai le flot dans les prochains jours, est juste magnifique en cette fin de journée.
Vu le style yougoslave de l’immeuble, je me demande à quoi il devait ressembler fin 1991. Je me demande aussi à quoi devait ressembler la ville quand des missiles étaient tirés par centaines depuis la rive d’en face vraiment à quelques dizaines de mètres, et par des navires sur le fleuve lui-même, outre ceux tirés par les chars tout autour. Cette ville semble aujourd’hui si paisible, bercée par cette lumière de fin du jour et dont la tranquillité est à peine troublée par quelques bateaux de croisière qui remontent le fleuve. En sortant faire des courses, je me rends compte que je passe à côté de l’hôpital qui fut le théâtre de fait horribles au lendemain même de la prise de la ville. Revenant sur la promesse faite aux observateurs internationaux que ces derniers puissent assister au transfert des occupants de l’hôpital en dehors de la ville le lendemain de la prise de la ville, bloquant aux observateurs le pont d’accès par un char, les milices serbes prirent un autre chemin que celui annoncé, se dirigeant vers la grange d’une ferme située au sud à quelques km de là, à Ovcara, et exécutèrent sommairement les occupants de l’hôpital avant de les jeter dans une fosse commune. Certains furent même battus à mort. J’ai aussi appris l’histoire d’un jeune Français, Jean-Michel Nicolier, qui supportant la cause croate, s’était engagé volontairement à Vukovar et se trouvait à l’hôpital lors de la rafle. Des témoignages disent qu’il a fait partie des personnes contre lesquelles les milices se sont acharnées. Son corps n’a jamais été retrouvé. La veille des journalistes avaient recueilli son témoignage au sein de l’hôpital. Je reverrai plusieurs fois son visage peint sur des murs dans la région. Il a été décoré comme un héros en Croatie.
Ce n’est que le lendemain en passant par le centre-ville que je me rends vraiment compte de l’ampleur de la destruction de la ville. On voit quelques vestiges de bâtiment anciens. Quelques ruines encore. Un grand hôtel de style yougoslave laissé désormais laissé à l’abandon. Quelques arcades. Pour le reste tout semble avoir été reconstruit (pas avec le même souci qu’à Dubrovnik). Y compris le pont central.
Je mets les voiles vers le fameux château d’eau, récemment transformé en musée, non sans avoir scruté ses plaies au préalable.
La plupart des visiteurs prennent l’ascenseur. Je monte par les escaliers. Empruntant le même chemin que ces deux héros dont je parlais plus haut. Le fracas des bombes et le risque d’y laisser ma vie en moins. Même sans cela, la montée est essoufflante. Au sommet, la vue sur les rives Danube et sur la région alentour est imprenable. De nombreux Croates viennent en famille et se prennent en photo près du drapeau au sommet.
Des vidéos permettent de se rendre compte de l’encerclement progressif de la ville et de la misère des personnes qui sont restées comme celle de ceux qui y ont tout laissé derrière elles pour quitter la ville.
Je laisse le château derrière moi, je visite le coeur lourd le mémorial d’Ovcara (la ferme où ont été assassinés plus de 260 personnes) et je mets le cap vers la Serbie aujourd’hui. Une première pour moi dans ce pays. Je prévois de m’arrêter ce soir vers la petite ville de Novi Sad.
À suivre!
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