La traversée des Alpes sous la neige et un parfum de Dolce Vita
Un cocon que j’ai eu du mal à quitter le matin suivant d’autant que la pluie n’avait pas dit son dernier mot. Une fois habillé en cycliste il n’y avait plus le choix. Je redescendais sur Thusis avant de monter jusqu’au village de Splügen. La route était très belle. Le début faisait un peu peur avec beaucoup de tunnels où les voitures me frôlaient à des vitesses élevées. Mais ensuite, je fus presque seul sur la vielle route, la majorité du trafic se concentrant sur la nouvelle route qui au moyen de viaducs et tunnels va désormais au plus court et coupe tous les lacets que j’ai eu grand plaisir à enjamber sur l’ancienne route.
L’arrivée au lac de Sufers sous une fine brume marquait la fin de la majeure partie de l’ascension avec une belle route en terre sur la gauche du lac et les premières neiges et plaques de verglas sur la piste.
Arrivé à Splügen, j’apprends que le col de San Bernardino est fermé tout comme celui de Splügen (ça, je le savais déjà). Mais c’était mon option B. On me parle de prendre un bus et de descendre vers Bellinzona. D’une part, cet itinéraire m’obligerait à descendre trop bas pour remonter vers les Dolomites ensuite. Attirants sur papier les routes bordant le lac de Côme ne sont pas un paradis pour cyclistes. Les remonter sur une longue distance en particulier en ce week-end pascal n’a pour ainsi dire rien d’attirant. Et puis je m’étais fixé comme règle de ne pas prendre de bus ou de train. Le lendemain après avoir enfin obtenu de la connexion au réseau suisse avec l’aide de Kaspar (mon téléphone belge était bloqué jusque là), je décide de prendre le risque (mesuré) de monter jusque Splügen (Spluga en italien). Toute la suite de mon programme en dépendait et Laurin était allé voir le matin précédent pendant que tout le monde dormait encore l’état au pied des pistes de ski au village.
Quelques marmottes me saluent dans la montée. 95 % de la route était dégagée. Y compris les lacets en épingle côté suisse. Seul le sommet était couvert d’un bon mètre de neige, ce qui m’a obligé à pousser le vélo (qui s’enfonçait dans la neige sous le poids des sacoches) sur un bon kilomètre jusqu’à la frontière italienne (le sommet du col), en évitant de glisser. Très très physique.
Pause pique-nique sur une aire avec une vue imprenable sur la vallée.
Au fur et à mesure de la descente je commence à sentir un vent chaud sur mes jambes. Le printemps est bel et bien là. Je roule bien vers le Sud.
Beaucoup de familles déambulent sur la piste cyclable du fond de la vallée. Quand je regarde derrière, on n’aperçoit plus rien du col de Splügen. Comme une parenthèse irréelle qui se referme. Juste quelques sommets enneigés. Difficile de croire que j’étais là-haut il y a à peine quelques heures. Je passe au bord du lac de Mezzola et je fais un petit crochet d’une quinzaine de km pour une vue sur le lac de Côme aussi (et un petit gelato bien mérité à Colico, vilage très animé avec des surfeurs sur et au bord du lac et beaucoup de familles au port en ce week-end de Pâques) avant de filer chez mon hôte du soir qui habite chez ses parents à Traona et dont la maman m’a préparé une bonne lasagne.
Au programme des prochains jours : la traversée des Dolomites. Ces montagnes m’ont subjugué de leur beauté à la fin de l’été dernier lors de l’Alta via 1 à pied avec Max. Je me suis dit que j’y reviendrais à vélo. Je ne pensais pas que ça arriverait si vite ! Mais c’est très bien comme ça ! Franchir les Alpes suisses jusqu’en Italie aura été un très bon test et avoir ces étapes derrière moi me donne beaucoup de confiance pour la suite.
La journée qui suivit était une étape de transition le long d’une très belle piste cyclable fléchée le long de la rivière Adda (rivière qui traverse le lac de Côme avant de se jeter dans le Pô) « Sentiero Valtellina »). Le sentier laissait entrevoir des petits villages au pied de chaque fente dans la montagne et sur la gauche beaucoup de villages perchés dont on se demande comment ils ont pu s’accrocher à la montagne et comment une route peut y conduire. Toujours un grand campanile blanc qui dépasse. De temps en temps une vue sur des sommets enneigés. Beaucoup de familles viennent occuper les aires de pause pour faire un barbecue en ce lundi de Pâques.
Alors que je m’apprêtais à m’élancer sur l’ascension du col de l’Aprica, seule véritable difficulté du jour, je commence à entendre un bruit récurrent sur la roue arrière, je me dis que c’est peut-être la surface du sol qui provoque ce léger claquement. Je finis par m’arrêter et là en vérifiant systématiquement le pneu arrière je constate qu’il est déchiré. Je me demande combien de temps je peux tenir avec ça. La réponse tombe vite : 100 m plus loin ma chambre à air explose littéralement. Un lundi de Pâques, la journée de vélo est probablement terminée car je n’ai pas de pneu de rechange. Je remets une nouvelle chambre à air et je pousse le vélo pendant plus d’une heure sur 7 km jusque la ville la plus proche, Tirano, ce qui m’éloigne de ma trajectoire et compromets les arrangements que j’avais pris pour la suite avec mes hôtes Warmshowers. Mais tels sont les aléas du voyage à vélo. Et je dois dire que j’ai été assez épargné par les soucis mécaniques jusqu’à présent. Et puis j’imagine ce qui serait arrivé si le pneu avait éclaté hier dans la descente vertigineuse du col du Spluga. Ou un peu plus tard aujourd’hui dans celle de l’Aprica. Un petit frisson et je me dis que je suis très chanceux.
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